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Un modèle transposable au milieu scolaire

Avez-vous déjà entendu parlé de bonheur au travail ? Arte a proposé il y a quelques temps un documentaire passionnant sur le sujet. Rien à voir avec la scolarité, vous me direz... et pourtant si, au fur et à mesure du film, le parallèle m'est apparu saisissant. Vous n'avez pas fait le lien ? L'expérience pourrait pourtant s'appliquer au milieu enseignant... 

Une majorité d'entre eux ne sont pas heureux dans leur emploi. Est-ce que l'Education Nationale s'en préoccupe ?  Pourtant, des enseignants heureux et épanouis devrait être la priorité absolue de l'état.  Dans le domaine scolaire comme dans le domaine économique, l'être humain est fondamentalement puissant. Je ne parle pas de puissance physique ou de pouvoir sur l'autre. Non, je parle de richesse intérieure. Je veux dire par là qu'il a des compétences inhérentes à sa personnalité, quelque soit sa formation initiale, et qu'il peut créer, concevoir, améliorer ce qui se concentre dans son domaine de prédilection. Nous avons tous des goûts et des compétences différentes. Et là est notre force. 

Le lien avec le documentaire diffusé sur Arte il y a quelques jours ? Les nouveaux modèles émergeant présentés en sont la preuve. Mis en oeuvre correctement, ils peuvent totalement remodeler l'avenir et le modèle économique de demain. Et nous redonner goût au travail ! Nous serions alors tous bien plus heureux et épanouis dans notre vie professionnelle et personnelle. En tout cas, ces modèles ont le mérite de bousculer les idées reçues et d'entrevoir une alternative plus positive que ce qui nous est proposé à l'heure actuelle ! 

Arte écrivait en présentation : « Que peuvent avoir en commun le ministère de la Sécurité sociale belge, le géant indien HCL et Chronoflex à Nantes, leader en France du dépannage de flexibles hydrauliques ? Toutes sont des entreprises "libérées". Leur principe : la suppression de toute hiérarchie intermédiaire doublée d'une autonomie totale des salariés à propos des décisions prises pour améliorer leur productivité. Par ailleurs, leurs leaders sont choisis par les salariés. Et cela marche : la croissance de ces sociétés est relancée de manière assez spectaculaire ; les bonus, augmentations et dividendes ne tardent pas à tomber. Martin Meissonnier filme les femmes et les hommes qui, malgré le pessimisme général, ont su sortir du cadre établi pour inventer de nouvelles formes d'organisation du travail. Une bouffée d'air frais bienvenue. »

Et je confirme, la bouffée d'air frais est bienfaitrice. Merci Martin Meissonnier ! Dans ce monde morose, découvrir ces entreprises (françaises, américaines ou indiennes) ou ces services publics (belges) qui se sont lancés dans l'aventure de la libéralisation hiérarchique et la responsabilisation du salarié, prouvent que, non seulement ça fonctionne bien, mais qu'en plus, c'est rentable.  Si vous ne l'avez pas encore fait, prenez le temps de regarder l'émission, et demandez vous comment ce modèle peut être appliqué dans le domaine de la scolarité.

L'émission commence avec des chiffres édifiants. Isaac Getz, conférencier et professeur à l'ESCP présente une étude réalisée en France et en Allemagne sur l'engagement des salariés au travail. Les chiffres sont très proches dans les deux pays. Je vous donne ici uniquement les chiffres français :  - 11% des salariés se sentent engagés (heureux d'aller travailler) - 61% des salariés se sentent désengagés (vont travailler juste pour leur salaire) - 28% des salariés se sentent totalement désengagés (malheureux au travail, avec une tendance au sabotage dû à la non implication)

Et Isaac Getz pose la bonne question : ces salariés étaient-ils dans le même état d'esprit le premier jour où ils ont été recrutés ? 

Et je me permets de demander :  - Les enseignants étaient-ils dans le même état d'esprit le premier jour de leur carrière ? Et les élèves lors de leur premier jour d'école ?

Le reportage présente différents exemples. Et quel que soit leur secteur d'activité, la première démarche mise en place par les directeurs est un brainstorming géant, où chaque salarié, quelque soit son niveau hiérarchique, propose les améliorations qui lui permettrait d'être plus heureux au travail. Enfin le droit de pouvoir s'exprimer. Et quel bonheur que d'être écouté et donc considéré !  Et la mise en place de ces améliorations suggérées a mis en lumière la capacité des salariés à se sentir plus concernés par leur poste de travail, et donc plus autonomes. Et petit à petit, le rôle des chefs intermédiaires, dont la fonction principale était le contrôle, s'est avéré inutile. Pour les chefs qui ont accepté de perdre leur "statut", ils ont trouvé une nouvelle implication dans l'entreprise et un rôle plus utile et plus gratifiant que le simple contrôle du travail d'autrui.  Le modèle parait tout à fait transposable au milieu scolaire. Evidemment, pas du jour au lendemain, pas avec un passage en force. Mais une réflexion sur chaque établissement. Lors de mon expérience d'AVS, j'ai souvent eu l'occasion de discuter avec des élèves du collège, et j'ai été surprise par leur maturité et leurs réflexions. Je n'ai jamais entendu de critiques gratuites sur les enseignants. Uniquement des remises en question sur leurs pédagogies et sur le manque de cohérence entre les attentes des adultes et les outils donnés aux élèves pour y arriver. Un brainstorming dans les collèges (voir même dans les écoles) serait sûrement une première étape très intéressante sur la vision des élèves pour améliorer leur quotidien à l'école. L'intérêt de cette démarche n'existe que si elle est suivie de faits. Que les élèvent puissent s'exprimer au même titre que les adultes (administration, enseignants, vie scolaire...) et que leurs suggestions soient entendues et des changements mis en place par les équipes éducatives. Avez-vous entendu parler d'une telle démarche ? Si c'est le cas, surtout, laissez moi un commentaire avec le nom de l'établissement, que je puisse interviewer les responsables, et vous faire part du résultat obtenu. Je suis sincèrement curieuse de voir l'impact sur les élèves et l'ambiance de l'établissement. 

Biscuiterie Poult, à Montauban, un exemple français de l'efficacité du changement Je citerai ici un seul exemple présenté dans le reportage. La Biscuiterie Poult, c'est 400 salariés et une période difficile en 2001. Un nouveau directeur, Carlos Verkaeren, d'origine belge va bouleverser l'organisation traditionnelle de cette entreprise. En 2006, il organise un brainstorming géant où tous les salariés sont invités à proposer leurs idées pour améliorer l'entreprise. Il met en place des groupes de travail pour discuter et mettre en place ces améliorations... Avec le temps, ils ont fini par se rendre compte que les chefs intermédiaires n'étaient pas "nécessaires" et que les opérateurs pouvaient se responsabiliser. Cela a libéré du temps de contrôle et de reporting. La perte de pouvoir n'est pas chose facile pour les supérieurs hiérarchiques. De même que l'autonomie offerte aux salariés, habitués jusque là à être infantilisés. La remise en question a été nécessaire et bénéfique. Tous ne se sont pas adaptés et ceux qui ne le souhaitaient pas sont partis. 

Toute décision est prise par des petits groupes de salariés. Ils communiquent sur leurs difficultés, trouvent ensemble des solutions. Les opérateurs ont un travail plus intéressant, ont gagné en compétences et formations, et les anciens chefs se sentent plus utiles grâce à la transmission et au soutien. Cela donne d'excellents résultats et des salariés impliqués et sérieux. Et un taux de croissance de 12%. "On est pris pour des martiens !" dit l'un des employés. L'entreprise a été sacrée lauréat du trophée Mieux vivre en Entreprise en 2013 et lauréat des Espoirs du Management en 2013, entre autres. L'entreprise a également mis en place de nombreux partenariats avec des universités, des écoles supérieures, des laboratoires publics et d'autres entreprises dont le programme de recherche financé par l'Union Européenne. J'ai apprécié dans cet exemple que les salariés avouent ne pas avoir réglé tous les problèmes, entre autre celui de la répartition des gains, mais ils savent que rien n'est figé et qu'ils vont aussi pouvoir améliorer cette question.

Le reste de l'émission est tout aussi passionnant. Je vous invite réellement à la regarder. Les exemples à travers le monde (et non des moindres, car il est fait référence à Harley Davidson, Gore-Tex, HCL Technologies entre autres) tendent à prouver que l'audace de ces patrons qui ont su prendre le risque de "faire confiance" à leurs salariés, et qui en savourent aujourd'hui le bénéfice humain et financier, peut être une solution pertinente à la crise.  En comparaison, des géants comme Facebook ou Google sont des entreprises qui font croire à leurs salariés qu'ils sont importants parce que tout est accessible, tout est disponible, commerces, salles de sport, centre médicaux... Cela peut paraître extraordinaire. Mais il ne s'agit que de services extérieurs. On ne parle pas ici du contenu du travail. Et dans ce domaine, les salariés sont beaucoup moins libres dans leurs actes et leurs initiatives. Rien à voir avec les exemples précédents. Les salariés de la Silicon Valley n'ont pas le droit de s'exprimer au sujet de leur entreprise. Et peuvent-ils se répartir les gains comme chez ChronoFlex ?

"Le bonheur au travail" montre bien à travers les différents exemples présentés quelles sont les meilleures méthodes. Et contrairement à ce ce que j'ai pu lire, les salariés n'ont pas l'air de souffrir de ce nouveau modèle et peuvent s'exprimer. Le seul à contester les nouvelles organisations est le représentant syndical d'un service public belge. Il serait évidemment intéressant d'avoir d'autres avis. 

La plus grande difficulté pour beaucoup d'entre nous reste l'adaptation au changement, quel qu'il soit. Une chose est sûre, nous sommes effectivement dans une crise de confiance. Et comme il est dit dans le reportage, les solutions sont à portée de main et il faut gagner sur un autre terrain que celui de l'autorité ! Car cette notion est loin d'être innovante, et encore moins enthousiasmante ! 

Pour le milieu scolaire, des solutions résident aussi dans ces quatre points essentiels :  - apprendre à faire confiance - permettre la communication - laisser la créativité s'épanouir - éliminer la notion de hiérarchie (utiliser "on" plutôt que "vous")

Si chaque enseignant développait au sein de sa classe ces quatre points, non seulement il y aurait beaucoup moins d'agressivité au sein des établissements scolaires, mais comme dans ces entreprises, l'enseignant verrait : sa classe s'épanouir, les élèves reprendre confiance en eux, le niveau s'élever, et sa fierté gonfler à vue d’œil ! Pour mémoire, relisez le dernier article sur le film les héritiers. 

Plus facile à dire qu'à faire, me direz-vous ! C'est vrai, je vous l'accorde. Et c'est bien pour cette raison que ce blog existe. Pour aider les enseignants fatigués et en panne d'inspiration, confrontés chaque jour à des classes de plus en plus difficiles, à trouver les outils et les ressources nécessaires pour améliorer en premier lieu leur quotidien. Parce que c'est l'urgence absolue. Que les enseignants n'aient plus peur d'affronter leurs élèves. Qu'ils retrouvent une sérénité au quotidien. Et c'est possible ! En utilisant les ressources de leurs élèves, et elles sont nombreuses, mais trop souvent inexploitées !  

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