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La maltraitance scolaire

Je ne diffuserai pas d'articles sur la maltraitance scolaire dans ce blog. Cela existe, et le but de ce blog n'est pas d'insister sur ce sujet, mais de proposer des solutions. Toutefois, je souhaite partager avec vous un seul exemple présenté dans l'émission Les Pieds sur Terre animée par Sonia Kronlund et diffusée sur France Culture. L'exemple est tout à fait vibrant car il fait ressentir au quotidien la souffrance ressentie par un élève, et l'impact du comportement des adultes à son égard.

Ce cas est loin d'être isolé, et ce que l'on pourrait appeler de "la maltraitance" n'est pas uniquement réservée aux élèves fragilisés par un handicap. Beaucoup plus d'élèves qu'on ne peut l'imaginer sont victimes de mauvaises attentions de ce genre. Une seule parole désagréable peut paraître anodine, mais l'accumulation fait réellement des dégâts.  Attention, le but ici n'est pas de jeter la pierre aux instituteurs ou enseignants, bien au contraire... Si vous êtes vous-même du corps enseignant, vous ne me contredirez pas si je dis que vous n'avez pas et n'êtes toujours pas réellement accompagnés et soutenus pour la gestion de groupes, ni formés concrètement aux handicaps scolaires. Et c'est bien là que le bât blesse ! Ecouter cette histoire ne vous apportera pas de solutions, je vous l'accorde, mais peut vous permettre de prendre conscience de l'impact néfaste de certaines paroles et attitudes.

Je veux également souligner ici le parcours du combattant auquel est confronté cette mère (et tant d'autres) pour permettre à son enfant d'avoir simplement droit à une scolarité digne. Prenez le temps d'écouter ou lire cette émission, je suis sûre que beaucoup d'entre vous prendront conscience de l'importance de se remettre en question, pour permettre à vos enfants ou vos élèves, de ne pas souffrir lors de leur scolarité. De mon côté, j'ai bien l'intention d'agir à mon humble niveau pour éveiller les consciences, faire bouger les choses, et construire des outils pratiques et efficaces pour aider les enseignants, les AVS et les parents.

Pour ceux qui ne souhaitent pas lire la retranscription (disponible quelques lignes plus bas), voici un lien vers l'émission : http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-meres-au-combat-2014-12-10 Les Pieds sur terre par Sonia Kronlund  - site de l'émission du lundi au vendredi de 13h30 à 14h - 28 minutes Mères au combat 10.12.2014 - 13:30 

Reportage : Martine Abat - Réalisation : Thomas Jost - Musique : "Hey Moon" de John Maus Lien vers le site DFD DFD : Dyspraxie France Dys. Association qui vient en aide à la maman d'Hugo. Lien vers le site de l'APEDA Association française de parents d’enfants en difficulté d’apprentissage du langage écrit et oral

Avant tout, un merci tout particulier à Martine Abat et Sonia Kronlund de m'avoir autorisé à retranscrire l'émission et à vous la faire partager dans ce blog. Je suis certaine que cette expérience à une résonance pour beaucoup d'entre vous. La critique peut être facile. Et pourtant, elle n'est pas constructive. Le plus urgent est, sans aucun doute, d'apporter des outils pratiques aux instituteurs et aux enseignants et une formation efficace pour lutter contre cette maltraitance scolaire, dont les élèves en difficulté sont trop souvent victimes.

Dans un avenir proche, je consacrerai d'autres articles au handicap scolaire.

N'hésitez pas à commenter cet article, ou à m'envoyer un mail.

RETRANSCRIPTION DE L'EMISSION : 

Cet été dans Le Monde, Marie Desplechin racontait 4 histoires, pour défendre la cause des mères. 

Des histoires de femmes qui ont un enfant qui n'y arrive pas ou qui n'y arrive plus. Epuisé, comme l'écrivait Marie, par les experts, les éducs, les psys, les ortho, les neuro, quand ce ne sont pas les ortho psy, les ergo thé, les psychomot, les grapho psy, les neuro pédo pyschiatres.  Ces femmes qui forment, dit l'une d'elle, la communauté secrète des mères d'enfants fragiles. Des femmes qui pleurent, qui crient sur leur enfant, qui souffrent de le voir souffrir. Des mères qui ne peuvent pas s'empêcher de comparer, de regarder les autres enfants, qui ne peuvent voir que l'écart entre leur enfant et celui des autres.  Qui doivent accepter qu'il ne leur ressemble pas, qu'il est d'une autre culture, qu'il communique autrement, qu'il ne soit pas comme les autres. Des femmes coupables forcément, à un moment ou à un autre, de ne pas avoir vu, d'en avoir trop fait ou pas assez, d'avoir aimé mal ou de travers, ou trop. D'avoir trop travaillé, d'avoir travaillé tout court, d'avoir baissé les bras avant de se relever. 

C'est cette série remarquable, qui nous a donné envie, aujourd'hui, de vous raconter l'histoire de Valérie. 

Cet été, quand elle a fait un grand ménage, Valérie a jeté tous les cahiers d'école et les bulletins scolaires de son fils Hugo. Un grand tri pour effacer les preuves de toutes ces années de souffrance endurées à l'école. Hugo a maintenant treize ans. Il s'apprête à prendre un nouveau départ. Valérie vit à Ponthierry Pringy, en Seine et Marne. Elle a trois enfants, Hugo est le dernier. Elle raconte à Martine Abat son parcours de combattante :

Valérie : Hugo est né en 2001, il est rentré comme tout petit garçon en maternelle. Donc la petite section n'a pas posé de souci, la moyenne section non plus, c'est en grande section que les difficultés ont commencé à se manifester, en fait. La maîtresse a commencé à s'inquiéter d'une certaine lenteur, d'un retard sur le graphisme, sur le début de l'écriture cursive. Ensuite, il est passé en CP. Donc là, ça a été le début du cauchemar, cauchemar pour lui et puis pour moi, en tant que maman, c'était... (silence)

Déjà il est tombé sur un maître avec un aspect très impressionnant, très théâtral, c'est à dire qu'il levait les bras au ciel et "Ah, Hugo !... Hugo est dans sa bulle ... Hugo ceci..." Quand j'allais le récupérer le soir, c'était des réflexions devant tout le monde, devant tous les parents et pour moi, il n'avait pas à s'adresser comme ça devant tout le monde... qu'il paraissait dans la lune, sur une autre planète, il regardait par la fenêtre, il me disait "ça ne l'intéresse pas... il est feignant".  En fait, Hugo s'est mis dans une sorte de coquille et là, toute l'année, ça a été des difficultés dans tout. Donc les punitions ont commencé dès le CP, déjà il faisait des petits passages en maternelle, et ça, il retournera en maternelle en CE1, en CE2, en CM1... "puisque tu n'es pas capable de travailler avec nous, puisque tu ne suis pas, puisque tu ne veux pas travailler, et bien tu vas aller t'amuser, tu vas aller chez les maternels...". A l'époque, je n'osai pas contredire l'équipe enseignante, en fait ils m'ont persuadé tout au long du primaire que j'avais un enfant qui ne voulait pas travailler, qui était feignant.

Martine : Et du coup, cela faisait des crises à la maison ? 

Valérie : Ah bien, Hugo, oui, c'était compliqué, oui, oui, et bien il se déchargeait à la maison en fait, beaucoup de pleurs, les devoirs c'était le cauchemar, il se bloquait, j'étais patiente, après j'avais du mal, après je criais, le papa, c'était pas possible, il s'emportait tout de suite, Hugo jetait les cahiers, c'était la catastrophe.

Martine : C'était vous qui vous colliez aux devoirs ? 

Valérie : Oui, parce que j'étais quand même plus patiente. De par mon métier, c'est vrai qu'il faut être patient. 

Martine : C'est quoi votre métier ? 

Valérie : Assistante maternelle. Alors déjà Hugo a eut énormément de mal à rentrer dans la lecture parce que la méthode a priori ne lui convenait pas. Donc moi, en parallèle, j'ai acheté une méthode de lecture. J'ai cherché et j'ai... Moi, je lui ai appris le P et le A et bien ça fait PA. PA-PA, papa, enfin voilà, et c'est comme ça qu'il est vraiment rentré dans la lecture.

Après, c'est le CE1, toujours les mêmes problèmes, difficultés dans l'écriture, la lecture, et les mathématiques, c'est très compliqué. Avec cette maîtresse là, j'essaye d'intervenir plusieurs fois, mais elle est fermée, on ne se comprend pas. Quand je mets des mots pour dire "Hugo n'a pas pu faire ses devoirs, il était trop fatigué, il n'a pas réussi à tout faire, ...ne comprends pas, ...ne sait pas faire", elle lui fait "Pfff, n'importe quoi" et elle jette le cahier par terre et elle demande à Hugo d'aller le ramasser devant tout le monde.

Alors moi, je réagis, je prends rendez-vous avec cette maîtresse, et elle est agacée parce qu'elle me dit : "il ne sait rien faire, il perd ses affaires, il ne fait pas d'efforts... moi j'en ai marre", donc elle ne l'aide pas, et moi je finis un peu par baisser les bras parce que j'ai compris qu'avec elle il n'y a pas de dialogue et je suis perdue, je ne sais pas quoi faire. Et je m'en veux. Donc après, il y aura le passage en CE2. Là on va mettre en place, enfin pas nous, mais l'école, un suivi par le RASED.

Martine : "donc c'est le Réseau..."

Valérie : "le Réseau d'Aides Spécialisées pour les Elèves en Difficultés, c'est un maître E spécialisé pour les élèves en difficultés. Moi, je suis sans arrêt en train de le rebooster, je lui dis "écoute ne t'inquiètes pas, ca va aller, aujourd'hui ca va être une bonne journée... t'en fais pas, tu n'es pas le seul à avoir des difficultés... tu es un peu plus long que les autres mais tu vas voir, tu vas y arriver..." voilà. Donc après, il y aura le passage en CM1. Là ça prend une tournure assez dramatique, c'est à dire qu'il sera puni de toutes ses récréations. Pendant les récréations, et bien il doit copier. mais il n'a pas le temps de copier puisqu'il est trop lent, donc, il copie, il copie, il copie... donc il pleure parce qu'il n'arrive pas à copier. Il a énormément de mal à écrire. Il a des crampes dans le bras, dans le poignet, donc il sera puni de ses récréations, ensuite il va être puni du cycle piscine obligatoire. Hugo, en plus, faisait partie du Club de Piscine de Ponthierry. Pour lui la piscine, c'était plus qu'un loisir, donc le punir de piscine, c'était vraiment une grosse punition. J'ai pris rendez-vous, et je lui ai dit : "ça c'est pas normal, il a besoin de ses récréations pour décompresser, et le cycle piscine c'est un cycle obligatoire, donc il doit aller à la piscine". Elle m'a dit : "non, écoutez, votre fils ne veut pas travailler, moi les enfants qui ne font rien, je les punis, un point c'est tout, il est feignant, il n'y a pas à discuter."

Martine : et la directrice ou le directeur disait quoi ? 

Valérie : Ils avaient le même dialogue, tous, c'était le même dialogue puisque une équipe éducative a été prévue en milieu d'année de CM1, et là, je dirais que j'ai assisté à mon procès. Donc, il y avait la maîtresse, la directrice, et la psychologue scolaire, celle qui suivait Hugo par le RASED. Alors elle commence à me critiquer et me dire "mais vous le protégez trop votre enfant, c'est pour ça, il ne peut pas travailler...", c'était de ma faute et qu'il serait préférable que je consulte un psychologue. Donc, je suis ressortie, évidemment les larmes aux yeux et très en colère. 

En fin de CM1, l'année se termine et moi je contacte quand même une orthophoniste. On va même faire un bilan en juillet 2011. Elle me propose un suivi, donc une fois par semaine.

Martine : Donc, c'est vous qui l'emmenez ?

Valérie : Oui. 

Martine : Vous avez l'impression que ça lui fait du bien ?

Valérie : Pour moi, c'est pas assez rapide, enfin ça n'est pas flagrant. C'est vrai que j'essaie de lire un maximum avec lui, mais finalement, il ne se débrouille pas si mal que ça en lecture, mais il faut du temps, voilà il est lent.

Martine : Il comprend ce qu'il lit ?

Valérie : Pas toujours. C'est ce qui lui pose énormément de problèmes. A l'école, quand il y a un énoncé, il est incapable de faire par lui-même. Il lui faut une relecture.

Martine : Orale ?

Valérie : Orale avec explication, autrement il ne peut pas démarrer le travail.

Martine : Il ne comprend pas les consignes ?

Valérie : Voilà. Mais à un moment donné, j'ai commencé à aller sur Internet, me renseigner. Je me suis dit "c'est pas possible". Surtout quand on nous a montré les évaluations en fin de CE2, là il avait un résultat qui était quasi nul, sur 100 il avait obtenu 17/100. Pour le passage en CM2, là il change à nouveau d'instit, et là je dirais qu'il tombe sur LA perle, parce qu'il n'y a pas de punition, et puis elle comprend tout de suite Hugo. Elle nous dit :"c'est un enfant qui est très intelligent". C'est la première à nous le dire, et elle nous dit : "Je pense qu'il ne peux pas rentrer dans les apprentissages, il a un empêchement". Elle met un mot sur ses difficultés : un empêchement.

C'est une année de répit, où il n'y a pas de sanction, pas de note sanction. On a l'impression que d'un coup, tout va ! Finalement ! Il y a du progrès donc il va pouvoir aborder la 6ème mieux (petit rire)..

Martine : Vous soufflez aussi ?

Valérie : Oui, on souffle. Oui, oui, tout en étant inquiets pour le collège bien sûr, sans savoir vraiment ce qui nous attendait (petit rire). Je dit nous parce que Hugo et moi on a subi, voilà, c'était difficile. En fin d'année, il y a quand même un redoublement qui est abordé. On prend rendez-vous avec l'institutrice et d'un commun accord, elle pense que cela ne changera pas les choses, et donc, il passe en 6ème. Il a un bon copain, qui habite dans notre lotissement, et je me permets de demander aux parents si cela ne les ennuyent pas que ce bon copain devienne le copain référent du collège, quand il a du mal à noter ses cours ou quand il oublie de noter les devoirs, des choses comme ça. Les parents disent OK. 

Au fur et à mesure de l'année, ce copain va se détourner d'Hugo, parce que c'est là que Hugo, en 6ème, va vraiment sombrer dans les apprentissages. Il perd complètement pied. Et ce copain, finalement se moque de lui. J'étais témoin, lorsqu'il l'appelait, il se moquait parce qu'il n'avait pas pris ses devoirs, ou il ne savait plus... enfin voilà. Il perd son meilleur copain qui le laisse tomber. 

J'ai compris que petit à petit mon fils devenait moins fréquentable du fait de ses problèmes scolaires, et du coup, Hugo ne sort plus. Il s'isole. Toute l'année de 6ème, c'est l'incompréhension avec les professeurs. Régulièrement, il a des heures de colle, de la copie en plus, des devoirs à recopier, à recopier encore, choses à faire en plus des devoirs, enfin ça devient un enfer. Il commence à avoir mal au ventre, à pleurer. 

Le midi, il rentre manger, puisque nous habitons à côté du collège, il arrive le midi, il ouvre la porte, il jette le sac de cours de colère et puis il crie, donc je passe cinq minutes à le calmer, à le rassurer. Mon mari n'est pas très patient là-dessus, au départ, il pense que c'est de la mauvaise volonté, je le dis à mon mari "quand il rentre en pleurs et en criant, c'est difficile à vivre et ça tu ne le vois pas, mais moi, je le prends de plein fouet, c'est compliqué".

Hugo commence à changer de comportement, il se vexe et se fâche très facilement. L'effet inverse commence à se produire, c'est à dire Hugo commence à devenir un enfant qui se rebelle en fait, parce que forcément, il y a des moqueries. Il sera traité toute la 6ème et toute la 5ème de "trisomique". Donc, voilà, il en a marre, il se bat, il y a des coups de pied qui partent, donc il y a des punitions... alors j'essaie de lui expliquer bien sûr que se battre ce n'est pas la solution, mais il me dit "je ne peux pas faire autrement, je ne me contrôle pas, je me défends".

J'étais à deux doigts de le déscolariser quand même, c'est une année très difficile, oui !

En fin d'année de 6ème, je vais voir le principal du collège et je lui explique un peu cette année qui a été terrible pour lui et pour moi et je lui dis, ce serait bien de mettre en place un PPTSA, un Projet Personnalisé pour les Troubles Spécifiques des Apprentissages, pour mon fils parce qu'il est en grande difficulté. Donc, normalement les professeurs doivent évaluer l'élève, faire leur compte rendu, et en fonction, adapter. 

Le principal me dit OK, on va faire ça pour la 5ème. Donc en début de 5ème, je reprends rendez-vous pour m'assurer que tout allait bien se passer. On remplit le document, et puis moi, comme je n'y connaissais pas grand chose finalement, je leur ai fait confiance. Moi qui pensais que c'était, voilà, c'était entendu comme ça, et c'était mis en place dès le début de 5ème. Il n'en était rien, bien sûr, et je m'en suis vite aperçue, puisque les punitions, les heures de colle, tout recommençait comme avant, il n'y avait aucune adaptation proposée. 

Donc j'ai pris rendez-vous avec le professeur de mathématiques, parce que Hugo à plusieurs reprises, a quitté la classe en plein cours. Ça lui cassait les pieds, cet élève qui ne comprenait rien, qui ne faisait rien... et puis après Hugo s'est mis dans un mutisme, il ne parlait plus et il ne faisait plus rien. Il n'écrivait plus. Et ce professeur lui demandait d'aller au tableau. Tout le monde lui disait "allez dépêche toi d'écrire, allez vas y dépêche toi"... donc ça c'est vraiment... donc j'en ai parlé au principal et d'un commun accord, il a autorisé Hugo à ne plus aller en cours de mathématiques. Donc, il allait dans le bureau du principal faire des exercices. Il me disait "mais quand le principal m'explique, je comprends tout, j'arrive à travailler". 

Quand il était en 5ème, j'ai été mise en contact avec un professeur d'Histoire-Géographie et on m'a dit : "et bien écoutez, il y a un professeur dont le fils a une dyspraxie, il peut peut-être vous donner des informations, parce que votre fils, à priori, à des problèmes d'écriture...".

Je m'empresse de le contacter et lui va me faire gagner énormément de temps puisque son fils est dyspraxique et il me donne le nom du médecin qui est médecin référent au Centre de Diagnostic attaché au Kremlin Bicêtre. On va faire un bilan avec Hugo. Pendant l'entretien, elle me dit : "Hugo est certainement dyspraxique. La dyspraxie, ça touche les gestes, la praxie", donc elle m'explique qu'en fait Hugo a une dyspraxie constructive, il a énormément de mal à écrire. Il a une crispation au niveau des doigts, du poignet, qui se termine par des crampes au niveau du bras, et donc il ne peut pas écrire correctement. Et du coup, cela lui demande énormément de concentration et d'efforts, et il n'est pas capable de faire ce qu'on appelle la double tâche : de lire une information sur un tableau, de baisser les yeux, de porter le regard sur sa feuille, et de retranscrire ce qu'il y a au tableau.

Martine : Ce n'est pas possible pour lui  ?

Valérie : Non, ce n'est pas possible pour lui. Voilà. Donc, d'un coup, tout s'éclaire. Je ne comprends pas, quand on a en face de soi un enfant qui refuse les apprentissages, ce n'est pas naturel. Un enfant a toujours envie d'apprendre, de faire... donc c'est qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Comment c'est possible que tant d'années, on ne s'en soit pas aperçu ? Et pourquoi, quand il disait qu'il avait mal au bras, on ne le croyait pas ? Voilà, elle commence à me dire qu'il va falloir prévoir une rééducation avec un ergothérapeute, donc les mots sont lâchés. c'est un enfant qui a besoin d'un ordinateur, pour éviter la double tâche, il a besoin d'une reconnaissance vocale, d'une synthèse vocale, d'un prédicteur de mots et alors là, c'est l'horreur et à la fois, ça y est, enfin, on a l'explication.

Martine : Et enfin, on va pouvoir l'aider surtout ?

Valérie : Et enfin on va pouvoir l'aider !

Martine : Pourquoi vous dites c'est l'horreur ?

Valérie : C'est l'horreur parce que c'est trop d'un coup. Il est dyslexique, dysorthographique, il est dysgraphique, dyscalculique, il est dyspraxique, en plus, malheureusement il est asthmatique. je me dis c'est l'horreur, comment on va gérer ça au quotidien. A l'école, où on va le mettre ? Comment on va faire ? Donc c'est dramatique parce que la scolarité pour Hugo, elle est fichue, elle est fichue...

Hugo, c'est un enfant découragé sur le plan scolaire. Très abîmé par l'école, énormément en souffrance, et moi avec, vraiment ! Tous les deux démoralisés et maheureux et puis je lui dit "tu sais, ta vie elle est devant toi et tu verras, tu seras un super adulte plus tard, et qui c'est, tu aideras peut-être les enfants en difficulté ". c'est terrible de voir qu'on ne peut pas aider son enfant. On le voit s'enfoncer, mais finalement on ne s'est pas quoi faire, et donc à partir de là, je commence à me documenter, j'imprime, j'achète des livres, je suis devenue une bibliothèque, je connais plein de choses, les textes de lois... et aussi, très important, c'est que je me tourne vers une association, j'ai besoin à ce moment-là de communiquer et je me dis c'est pas possible, je ne peux pas rester seule comme ça.

Voilà, donc je recherche et je trouve Dyspraxie France Dys, j'adhère et je me renseigne et tout de suite les gens sont très sympathiques, très réceptifs. On me donne plein d'infos. je me sens revivre finalement, et je me dis ça y est j'ai trouvé, je vais me battre, ça me redonne le courage de me battre en fait, et en même temps, je recherche des établissements éventuellement. J'en trouve un qui propose une 4ème d'aide et soutien et qui accueille les enfants Dys, les dyslexiques, les dyspraxiques, par contre, l'établissement est à Fontainebleau. C'est compliqué parce que nous, on habite Ponthierry.

Martine : Au sud de la Seine et Marne.

Valérie : Oui. Donc on fait l'inscription, sachant que c'est un investissement financier.

Martine : ça coûte combien ? 

Valérie : C'est 260 euros par mois.

Martine : Depuis septembre ?

Valérie : Oui, depuis septembre. Il est heureux, il est heureux d'aller au collège. Le jour de la rentrée, il a un copain qui lui a serré la main, qui lui a dit bienvenue. il s'est tout de suite senti bien parce que dans sa classe, ils sont tous différents, ils s'en amusent.

Martine : Ce sont tous des petits canards boiteux (rires) !

Valérie : C'est tous des Dys. Alors il fait, tiens, untel est dyscalculique, lui il n'est que dyslexique, donc il est heureux d'aller au collège. D'emblée, ils donnent des photocopies, il y a du tiers temps, il y a la relecture. L'anglais pour un dyslexique, c'est extrêmement compliqué, donc, elle l'évalue uniquement à l'oral. Les mathématiques, il n'y aura plus d'évaluation parce qu'il a lâché prise en mathématiques, et en français, pareil, évaluations principalement à l'oral.

Martine : Et à l'oral, il se débrouille bien ? 

Valérie : Oui, à l'oral, il se débrouille bien. Du coup, les notes remontent. En anglais, une interrogation où il avait eu 6/20 à l'écrit, et bien il est monté à 14/20 à l'oral. En histoire-géo, pareil, il a des 13, des 14, donc voilà, il est content, il reprend confiance. Il va peut-être décoller finalement, il va peut-être rentrer à fond dans les apprentissages. Ça donne le courage de prendre les choses, de continuer parce que c'est un combat finalement, faire reconnaître..., mais c'est vrai que ça laisse un goût amer et une colère qui est rentrée malgré tout, toutes ces années perdues, oui !

Martine : Et Hugo, il est en colère ? 

Valérie : Oui, il était toujours en colère, et il est en colère, bien sûr ! Le handicap est reconnu, il y a un handicap entre 50 et 79 %, donc il y a une allocation qui est allouée pour Hugo, c'est 129 euros par mois, le prêt de l'ordinateur et logiciels est accepté, mais malheureusement il n'y a plus de budget en Seine et Marne, donc nous n'aurons pas d'ordinateur.

Martine : Là, il n'a pas son ordinateur ? 

Valérie : Non, il n'a pas d'ordinateur, il n'a pas ses logiciels. Il a été demandé dans le compte rendu médical, par l'enseignante référente, une AVS pour Hugo.

Martine : C'est une auxiliaire de vie scolaire ?

Valérie : mutualisée, c'est à dire que ce n'est pas à temps complet. C'est quelques heures dans la semaine. Et en ce qui concerne l'AVS, j'ai fait un recours gracieux.

Martine : parce qu'on vous a refusée l'AVS ?

Valérie : Il n'y a pas de budget et de tout façon, quand il y aura le budget, il y a tellement d'enfants qui attendent que Hugo passera quand il passera, en fait. Donc je pense aller plus loin, faire un recours contentieux et je vais saisir aussi le défenseur des droits de l'enfant.

Martine : Donc vous n'arrêtez jamais ?

Valérie : non, je n'arrêterai pas tant que je n'aurai pas gain de cause parce que c'est mon petit protégé, je ne peux pas l'abandonner comme ça, il faut l'aider, et puis c'est normal en fin de compte, je suis sa maman et je lui apporte mon aide tant qu'il en aura besoin. Je le laisserai se débrouiller, voler de ses propres ailes quand il en sera capable.

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